Blogueuse du mois de novembre: Jessica Saada

31 10 2011

La place de l’album

En tant qu’enseignante et que conseillère pédagogique oeuvrant dans le monde de l’éducation pendant plus de vingt ans maintenant, j’ai à cœur le développement d’un réel engouement pour la lecture. Avec des élèves de tous les âges je me sers du livre, et de l’album en particulier, comme tremplin pour lire, écrire et communiquer dans des contextes authentiques et signifiants.

Il y a exactement un an, je lisais un article du Monde, recommandé par une collègue, sur la chute de la lecture et la désaffectation du livre (merci Nathalie Couzon, du Plan d’action pour l’amélioration du français, Ministère de Education du Loisir et du Sport, Québec).

En voici le lien:

http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2010/10/18/comment-enrayer-la-chute-de-la-lecture-des-enfants/

Bien qu’il y ait beaucoup de matière à réflexion dans cet article, je n’ai pas pu m’empêcher de réagir immédiatement à une phrase en particulier :

« Le passage de l’album au livre sérieux est assurément trop abrupt. »

Pourquoi parle-t-on de passage? En effet, en quoi est-ce que l’album représente uniquement la lecture ludique, enfantine? Pourquoi parlons-nous d’une transition de l’album au roman? Pourquoi ces deux types d’ouvrages littéraires ne seraient-ils pas simplement vus comme ce qu’ils sont, deux variétés existant côte à côte? Je crois que cette impression de transition de l’album au roman comme de l’enfance à l’âge adulte laisse croire aux enseignants, et par conséquent aux élèves, qu’il est plus sérieux d’abandonner l’album lorsqu’on est en mesure de lire un roman. Or, des albums riches et d’une profondeur « adulte » sont très nombreux (Par exemple: La rédaction de Antonio Skarmeta ou L’ennemi de Davide Cali ). En outre, plusieurs albums destinés à la base à un public très jeune prennent une toute autre dimension lorsque nous les lisons en tant qu’adultes. S’il est question d’un manque d’endurance en ce qui a trait à la lecture, si les enfants d’aujourd’hui semblent avoir quelques difficultés, hésitations ou réticences à lire un livre jusqu’au bout, l’album pouvant se lire en un court laps de temps ne serait-il pas l’outil de choix pour encourager la lecture? Enfin, si nous arrêtons de croire que l’album fait uniquement partie des livres de la petite enfance, si nous y reconnaissons des textes plus courts, certes, mais dont les mots sont choisis par l’auteur avec un soin des plus particuliers, avec des illustrations souvent chargées de sens, si nous encourageons les adultes à se permettre la lecture d’albums et aux enfants de tous les âges de choisir des textes qui les intéressent réellement plutôt que des textes qui paraissent bien, je crois que nous aurons plus de chance de rendre au livre sa valeur sociale et ainsi former des lecteurs pour la vie.

Jessica Saada


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15 responses

3 11 2011
France Courteau

Bonjour,

Je suis enseignante au secondaire, sciences humaines et français, et ton article résonne en moi! Mon défi- j’aime l’idée mais je ne sais pas où ou comment commencer. Conseils?

Merci d’avance,
France

4 11 2011
Corinne Pelletier

Bonjour Jessica,

J’enseigne la 5e année et j’aimerais introduire les traits d’écriture avec les albums. Je pense que si les élèves avaient des modèles de «cibles» ça ira mieux. J’ai eu de la difficulté l’année passée avec mon programme d’écriture et je veux essayer quelque chose de différent. Mon défi – je ne connais pas bien les albums. Avez-vous des suggestions?

Merci,
Corinne

4 11 2011
Jessica Saada

Bonsoir Corinne,
Merci pour votre question.
Il y a plusieurs sites très utiles pour la recherche d’albums. « Livres ouverts » fait partie de ceux-ci (www.livresouverts.qc.ca). Il s’agit d’un site où sont répertoriés des livres sélectionnés par un comité, selon des critères précis, à partir de tous les livres publiés en français et disponibles sur le marché québécois. Ce site est régulièrement mis à jour. On peut y chercher uniquement des albums si on le souhaite, par titre, par auteur, par niveau de difficulté, etc. Pour chaque livre on nous donne le résumé ainsi que des pistes d’exploitation. C’est un outil que j’utilise régulièrement et que je vous recommande fortement.

Quant à la notion d’exemples type pour chaque trait, il y a des trousses toutes faites chez Chenelière (Collection Ma trousse d’écriture) qui incluent ce genre de chose. Par contre, vous pouvez bâtir vos propres exemples avec les élèves et à partir de leurs travaux lorsque vous explorez chaque trait. Ce peut être une bonne occasion aussi d’apprendre aux élèves comment aborder la critique constructive. Par exemple, vous travaillez la structure et plus particulièrement comment écrire une fin qui accroche le lecteur. Vous avez observé toutes sortes de fins différentes dans de vrais livres écrits par différents auteurs, et ensuite vos élèves ont rédigé les leurs. Vous demandez à un élève (qui se porte volontaire) de projeter sur écran la fin qu’il a composée et tous ensemble, vous discutez de ses points forts ainsi que des éléments qui rendraient la fin de l’histoire encore plus percutante.
J’en profite aussi pour faire ma propre publicité. Je me suis moi-même penchée sur l’enseignement des six traits d’écriture notamment par l’utilisation d’albums. Si vous jetez un coup d’œil à mon livre « Écrire avec plaisir, un trait à la fois », publié chez Chenelière éducation, vous verrez de nombreuses idées pour présenter aux élèves de façon concrète chacun des traits d’écriture, avec une panoplie de titres d’albums dont je me sers régulièrement avec les élèves. Si jamais vous voulez aborder un trait en particulier, n’hésitez pas à me donner quelques informations sur vos élèves (âge, niveau de compétence en français, etc.) et je pourrai vous proposer quelques titres intéressants pour aborder ce trait.
Bonne soirée et au plaisir,
Jessica
P.S. Tant qu’à faire ma publicité, Chenelière vient tout juste de publier aussi mon deuxième ouvrage : « Communiquer pour apprendre, apprendre à communiquer », qui vous offre une multitude de suggestions d’activités et surtout une panoplie d’albums à lire et à relire (avec plaisir!).

11 11 2011
Corinne Pelletier

Rebonjour Jessica,

Merci, merci, merci! Le site Livres ouverts – Sélection de livres pour les jeunes http://www.livresouverts.qc.ca
est un vrai bijou!

Corinne

4 11 2011
Jessica Saada

Bonjour France,

Le premier mot qui me vient à l’esprit: « Oser! » Car c’est ce qu’il faut faire même si ce n’est pas toujours évident. La première fois que j’ai apporté un album à lire à une classe du secondaire, les élèves m’ont regardée comme si j’étais une extraterrestre. Des petits ricanements incrédules fusaient de toutes parts… Mais j’ai tout de même persévéré, lisant à voix haute l’album « La rédaction ». Plus je lisais, plus ils écoutaient. Je me suis arrêtée juste avant la fin, et il y a eu un murmure général de désapprobation. J’ai donc poursuivi pour leur révéler la conclusion de l’histoire. Ensuite, la discussion a été surprenante! Je crois que l’enthousiasme de l’enseignant est contagieux, et les élèves savent tout de suite quand celui-ci est sincère. Choisissez un album qui vous plaît en tant que lectrice, et non seulement en tant qu’enseignante (il n’y a rien de moins intéressant que de lire à voix haute un texte qui ne nous accroche pas vraiment nous-mêmes!) et soyez convaincue de ce que vous faites. « L’étoile jaune », « L’ennemi », « La petite bouteille jaune »… il y a une panoplie d’albums qui suscitent la discussion chez les élèves. Si vous explorez une thématique en particulier, faites-moi signe et j’aurai grand plaisir à vous recommander quelques titres. Merci beaucoup pour votre question et à bientôt.

Jessica

11 11 2011
France Courteau

Bonjour Jessica,

Je prépare une unité sur la diversité culturelle au Canada pour le cours d’études canadiennes, 12e année. Je cherche un album qui démontre des groupes venant du monde entier qui ont immigré au Canada.

Merci!
France

16 11 2011
Jessica Saada

Bonjour France,
Vous connaissez peut-être déjà la série « Cher journal » (la traduction française de « Dear Canada »). Il s’agit de romans écrits sous forme de journal de bord dans lesquels différents enfants racontent le périple qui les a menés au Canada. J’aime bien m’en servir car ils montrent aux élèves à quel point il peut être utile de tenir son propre journal pour le relire plus tard ou pour le laisser en souvenir aux générations futures. Je ne connais pas beaucoup d’albums qui parlent directement d’immigration au Canada, mais je me sers de toutes sortes de livres pour aborder le sujet. « Nini » (François Thisdale) est un magnifique livre sur l’adoption qui raconte l’histoire d’un enfant de Chine qui se retrouve au Canada. Il s’agit là d’une réalité canadienne. Il existe aussi une panoplie de livres qui pourraient servir de tremplin pour une discussion de classe sur la réalité canadienne. Dans « Nul poisson où aller » (Marie-Francine Hébert), par exemple, une famille fuit la guerre. Dans « Là où vont nos pères » (Shaun Tan), un père de famille quitte les siens pour tenter de trouver ailleurs une meilleure vie. « Même les mangues ont des papiers » (Yves Pinguilly) est aussi un album dans lequel les personnages quittent leur pays pour tenter de trouver mieux ailleurs, cette fois illégalement, se cachant dans un bateau transportant des mangues. Avec le livre « Les saisonniers » (Eve Bunting) il est possible notamment de jeter un regard sur les immigrants qui ne parlent pas la langue de leur pays d’accueil mais qui tentent tout de même de s’y intégrer. Ce ne sont là que quelques exemples. J’espère vous avoir aidé un peu.
Au plaisir,
Jessica

25 11 2011
France Courteau

Merci pour les bonnes suggestions!

J’ai un collègue qui enseigne la 5e année. Dans son programme d’études de sciences humaines, il aborde le concept d’immigrants qui viennent s’établir au Canada et qui ne parlent pas la langue de leur pays d’accueil. Je vais lui passer ta suggestion du livre « Les saisonniers ».

France

11 11 2011
Michel

Bonjour,

J’enseigne les mathématiques à mes élèves de 8e année. Nous allons aborder le théorème de Pythagore dans les prochaines semaines. Existe-t-il des albums qui portent sur les concepts de mathématiques ?

Michel

16 11 2011
Jessica Saada

Bonsoir Michel,
Je ne suis pas experte en mathématiques, mais il existe de nombreux livres qui, de façon plus ou moins explicite ou directe, abordent des notions mathématiques. L’album « 365 pingouins » (Jean-Luc Fromental), dans lequel une famille reçoit un pingouin par jour, est un exemple tout simple. Dans « Le démon des maths» (Hans Magnus Enzensberger), le lien avec les mathématiques est plus explicite alors que le personnage principal fait la rencontre du démon des maths dans un étrange rêve et aborde ainsi une multitude de concepts mathématiques. « La malédiction des maths » (Jon Scieszka) raconte l’histoire d’une enseignante de mathématiques qui certifie que tout peut être perçu et analysé comme un problème de mathématiques. Il y a aussi « Le problème avec les lapins » (Emily Gravett – j’adore cette auteure qui est aussi l’illustratrice de ses oeuvres), qui est centré sur un célèbre problème mathématique. Vous pourriez aussi aller voir les oeuvres de Stéphane Favre-Bulle, la série Maths en Bulle. Il s’agit de bandes dessinées qui ont été créées pour démystifier certains concepts mathématiques. Bref, ce ne sont pas les choix qui manquent. Bonne continuation!

Jessica

25 11 2011
Joyce Thompson

Bonjour Jessica,

J’aimerais premièrement vous féliciter et vous remercier pour les bonnes suggestions d’albums ce mois-ci. Quand j’ai vu les requêtes pour des suggestions de titres pour les sciences humaines et les mathématiques j’ai pensé à mes cours d’arts visuels, danse et musique pour 4 à 8. Avez-vous des suggestions?

Merci d’avance,
Joyce

4 12 2011
Jessica Saada

Bonjour Joyce,
Merci de votre gentil message. Il est toujours difficile de recommander des livres sans connaître les élèves, vos goûts personnels, vos intentions pour la lecture, etc. Je vous propose tout de même quelques titres à explorer :
Pour la danse, il y a « Vilains orteils », d’ Ann Bonwill. Par ce livre, vous pourrez aussi aborder l’estime de soi et l’importance de découvrir ses propres talents.
Pour la musique, il y a l’album sans mots « Le parapluie jaune » (avec cédérom de musique), de Ryu Jae-Soo, « Cinq souris sans souci », par Chisato Tashiro et « Les trois notes d’Hyppolite Isocèle », de Gérard Moncomble.
En ce qui a trait aux arts visuels, j’aurais une panoplie de suggestions, par exemple « Un bon point pour Zoé », de Peter H. Reynolds, « Les sœurs Taupe et le retour à la maison », de Roslyn Schwartz, ou « Un bleu si bleu », de Jean-François Dumont. J’ajouterais qu’en général, les livres écrits et illustrés par la même personne sont très intéressants à explorer car il y a souvent énormément de choses qui se passent (implicitement ou explicitement) dans les illustrations. Vous pourriez regarder les œuvres de Marie-Louise Gay, Dominique Jolin, Oliver Jeffers, Emily Gravett, Anthony Browne, Sebastian Meschenmoser, Shaun Tan et Chris Van Allsberg, qui sont parmi mes préférés (mais il y en a de nombreux autres!).

Bonne lecture et n’hésitez pas à m’écrire à nouveau si vous voulez plus de précisions.

Jessica

30 11 2011
Andrée

Bonjour Jessica,

J’enseigne en deuxième année en immersion. J’aimerais développer les traits d’écriture qui portent sur la fluidité et les idées. Auriez-vous des activités et des albums à suggérer?

Merci d’avance,

Andrée

4 12 2011
Jessica Saada

Bonjour Andrée,
Pour aborder le trait des idées, je veux surtout amener les élèves à réaliser qu’ils ont déjà des idées, qu’il ne s’agit pas forcément pour eux de trouver des scénarios les plus abracadabrants. Je cherche des albums qui présentent une thématique directement liée au vécu des élèves, ou qui présentent de manière simple des pistes à partir desquelles les élèves peuvent explorer leurs propres idées. Dans le premier cas, des livres comme « Un bon point pour Zoé », de Peter H. Reynolds, sont utiles pour lancer le bal. Il s’agit en gros d’une petite fille qui ne se croit pas capable de dessiner et qui finit par comprendre, grâce à son enseignante, qu’on est capable de tout si on s’y met. Je vous recommande aussi « L’histoire de la petite fourmi qui voulait déplacer des montagnes », de Michaël Escoffier (un coup de cœur!). Dans le second cas, je vous suggère des livres comme « Mais… que font-ils ? », un abécédaire haut de gamme qui comprend très peu de mots (un verbe par page) mais qui est extraordinaire comme tremplin pour créer et écrire une foule d’histoires et de textes de toutes sortes.
Un de mes albums préférés pour aborder la fluidité des phrases est « Il neige » de Uri Shulevitz car les phrases sont de longueurs variables, certaines très courtes et d’autres beaucoup plus longues en fonction de la neige qui tombe, donnant un effet particulier au texte. (Dans mon premier ouvrage didactique : « Écrire avec plaisir, un trait à la fois », je présente une activité précise à faire avec cet album pour aborder la fluidité des phrases.) Il y a aussi « La grande fabrique de mots », d’Agnès de Lestrade, que j’adore pour le choix des mots mais aussi pour la fluidité des phrases car celles-ci ont différents débuts (certaines phrases commencent par un pronom, d’autres par une adverbe ou une préposition). J’aime aussi « Le sourire de Pacha » car on y voit bien comment l’utilisation de la ponctuation et le choix des mots ont une influence sur la fluidité des phrases. Un album plus léger qui permet d’explorer le rythme des phrases est « Fini les folies! Au lit! », d’Alison Ritchie.
Je pourrais continuer encore longtemps, mais j’espère que ces quelques titres vous auront lancée sur la bonne piste. Au plaisir!

4 12 2011
Andrée

Un grand MERCI, Jessica.

Andrée

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